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Le Droit et les recours juridiques doivent souvent rattraper leur retard pour s’adapter aux avanc¨¦es technologiques, explique Hilary-Stewart Jones ; la pr¨¦sidente et directrice g¨¦n¨¦rale de Skywind Group nous parle du m¨¦tavers
Internet a chang¨¦ notre monde ¨¤ jamais… mais avec le m¨¦tavers, nos exp¨¦riences de travail, d’apprentissage, de socialisation et de jeu seront sous st¨¦ro?des. Mais quelles protections juridiques couvriront les mondes virtuel et physique ? Quels droits existent pour les participants ? Ce concept m¨¦rite-t-il d’¨ºtre adopt¨¦ en masse par les industries et les consommateurs ? Quel sera l’impact sur l’industrie du jeu ?
Qu’est-ce qu’un m¨¦tavers ? Facebook a envoy¨¦ un message clair lorsqu’il a chang¨¦ de nom en 2022 (ce qui signifie vraisemblablement que tout m¨¦tavers qu’il cr¨¦e sera un M¨¦tavers). Pour le reste d’entre nous, simples mortels, il s’agit essentiellement d’un royaume virtuel soutenu par une ¨¦conomie num¨¦rique et une r¨¦alit¨¦ augment¨¦e nous permettant de reproduire des interactions du monde physique.
Les avatars seront nos doubles dans le m¨¦tavers. Les avantages attendus ne seront pas seulement li¨¦s ¨¤ l’industrie du divertissement ; les questions juridiques que le march¨¦ des jeux a d¨¦j¨¤ abord¨¦es guideront les autres industries qui cherchent ¨¤ d¨¦ployer des produits dans le m¨¦tavers. Il y aura aussi des avantages ¨¦conomiques pour les 1,7 milliard d’individus non bancaris¨¦s dans le monde gr?ce ¨¤ des ¨¦conomies alternatives telles que les crypto, deFi (finance d¨¦centralis¨¦e pour les crypto et non-crypto), des jetons de jeu s¨¦par¨¦s “fiat” et ¨¦changeables. L'”immersion” pour les clients non bancaris¨¦s reste encore limit¨¦e via mobile, mais ils pourront profiter des avatars. Les industries des soins de sant¨¦ b¨¦n¨¦ficieront des possibilit¨¦s d’acc¨¦l¨¦ration des diagnostics et de la distribution des m¨¦dicaments, ainsi que de l’enseignement, des soins pastoraux et de l’aide ¨¤ la sant¨¦ mentale.
L’une des questions les plus importantes qui se posent est de savoir qui d¨¦tient les droits sur un avatar cr¨¦¨¦, sur son apparence et sur tout ce qu’on lui demande de r¨¦aliser ou de faire. Les droits ¨¤ l’image seront-ils prot¨¦g¨¦s s’ils sont bas¨¦s sur la cartographie faciale du cr¨¦ateur, ou s’ils sont clairement reconnaissables, et la loi emp¨ºchera-t-elle le d¨¦tournement d’images ? ?En supposant que nous cr¨¦ions une toute nouvelle image/personnalit¨¦, la sophistication du r¨¦sultat n’est pas la m¨ºme que l’utilisation de la palette limit¨¦e de, disons, la personnalisation d’un texte et la personnalisation de la repr¨¦sentation en jeu du joueur dans les premiers jeux rudimentaires ; cela signifie-t-il que nous pouvons prot¨¦ger l’effort de travail ? Comment allons-nous aborder les protections transfrontali¨¨res ? En outre, le droit d’auteur et les droits similaires s’appliqueront-ils ? Il n’existe pas de droits d’auteur sur les performances dans nos interactions quotidiennes, mais il n’y a pas la m¨ºme cr¨¦ativit¨¦ unique que dans certaines exp¨¦riences de m¨¦tavers, o¨´ il existe un potentiel ¨¦vident de divertissement pour les autres et un potentiel ¨¦lev¨¦ de streaming.
Les lois sur le droit d’auteur et les droits d’ex¨¦cution couvrent une myriade de processus de cr¨¦ativit¨¦, avec des protections l¨¦g¨¨rement diff¨¦rentes en fonction de la personne responsable de ce qui a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ et de l’endroit o¨´ il a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦, ce qui n’est pas facile ¨¤ d¨¦terminer dans un m¨¦tavers multi-juridictionnel ou sans juridiction. En outre, certains des outils d¨¦ploy¨¦s incluront l’apport et la cr¨¦ativit¨¦ du programmeur. La propri¨¦t¨¦ intellectuelle doit-elle ¨ºtre partag¨¦e ? Dans le monde des joueurs, cette question est normalement couverte par des licences et des conditions d’engagement contractuelles strictes, mais cela ne signifie pas que cette approche a r¨¦solu l’¨¦nigme de mani¨¨re ad¨¦quate. La r¨¦solution des litiges dans le monde des joueurs devient plus sophistiqu¨¦e et les tribunaux ne laisseront pas n¨¦cessairement le fournisseur de jeux avoir le dernier mot. Dans une affaire rapport¨¦e en Chine en d¨¦cembre 2022, le joueur a eu l’occasion de contester la compensation plafonn¨¦e offerte par le fournisseur dans les conditions g¨¦n¨¦rales, qui correspondait ¨¤ la valeur de l’actif fixe du portefeuille (co?ts de participation), bien que la valeur marchande soit plus ¨¦lev¨¦e, en raison des efforts d¨¦ploy¨¦s pour obtenir des objets dans le jeu et de la popularit¨¦ du jeu. Le tribunal ne s’est pas seulement rang¨¦ du c?t¨¦ du joueur, mais a exhort¨¦ les tribunaux et les avocats ¨¤ comprendre la dynamique du monde des joueurs et les droits juridiques potentiels des consommateurs en rapport avec la communaut¨¦ des jeux en g¨¦n¨¦ral, sans quoi, a-t-il d¨¦clar¨¦, il serait impossible de juger ¨¦quitablement de la nature contraignante des conditions de licence.
Il est certain que dans l’environnement des jeux d’argent, le fournisseur aura dans la plupart des cas, par rapport ¨¤ l’univers du joueur, un int¨¦r¨ºt direct dans le r¨¦sultat (¨¤ moins que le joueur ne parie contre “l’¨¦quipe locale” et m¨ºme dans ce cas, ce ne sera pas comme un jeu de banque con?u pour donner un avantage ¨¤ la maison), de sorte que l’op¨¦rateur devra non seulement surveiller le jeu, mais aussi interagir avec les joueurs. De m¨ºme, un fournisseur de jeux devra ¨ºtre autoris¨¦ ¨¤ utiliser et ¨¤ capturer les actions d’un avatar de pari pour garantir l’¨¦quit¨¦ du jeu, mais il est trop t?t pour dire si des autorisations g¨¦n¨¦rales seront ¨¦galement demand¨¦es et accord¨¦es pour la rediffusion du jeu. Cependant, cela aura un impact sur la propri¨¦t¨¦ intellectuelle et la protection de la vie priv¨¦e et des donn¨¦es, dont nous parlerons plus loin. N¨¦anmoins, il est fort probable que le r¨¦gulateur moyen insistera au moins pour que les droits du joueur auxquels il est renonc¨¦ soient correctement expliqu¨¦s avant que le joueur ne soit oblig¨¦ d’accepter les conditions g¨¦n¨¦rales.
On a ¨¦galement beaucoup ¨¦crit sur la valeur de la d¨¦centralisation des m¨¦tavers et de l’¨¦limination des entreprises technologiques “big data”, qui ont r¨¦colt¨¦ et exploit¨¦ sans vergogne les donn¨¦es et les donn¨¦es personnelles en jouant le r?le d’¨¦change ou d’interm¨¦diaire essentiel. Les partisans de ce projet croient certainement qu’il s’agit de l’annonce d’une nouvelle d¨¦mocratie des donn¨¦es, avec des outils personnalis¨¦s de cryptage qui permettront des ¨¦changes s¨¦curis¨¦s de pair ¨¤ pair ainsi que le stockage et le mouvement. D’autres sont plus cyniques : les utilisateurs seront toujours d¨¦pendants des fournisseurs de technologie, y compris ceux qui produisent ou permettent l’utilisation des jetons, ainsi que, par exemple, le fabricant de casques de RV du m¨¦tavers.
Assurons-nous r¨¦ellement le contr?le des donn¨¦es et de la vie priv¨¦e ou nous contentons-nous de d¨¦placer les d¨¦p?ts de donn¨¦es ? Au moins, les entreprises de big data sont maintenant fortement r¨¦glement¨¦es ; la d¨¦centralisation nous m¨¨nera vers l’inconnu. De plus, les avatars continueront ¨¤ partager des donn¨¦es personnelles, des habitudes et, en fin de compte, des indices composites d’identit¨¦ avec des personnes inconnues qui ne sont elles-m¨ºmes identifi¨¦es que par des jetons/personnages uniques, mais qui sont par ailleurs des avatars inconnus. Ces derniers n’ont peut-¨ºtre pas la port¨¦e d’exploitation d’un Facebook, par exemple, mais qu’est-ce qui les emp¨ºche de divulguer et/ou de commercialiser les donn¨¦es de l’autre avatar, surtout lorsqu’ils connaissent mal la loi. Il se peut qu’il n’y ait pas les m¨ºmes protections des donn¨¦es que celles qui s’appliquent aux entreprises qui contr?lent et traitent les donn¨¦es personnelles, mais les protections de la vie priv¨¦e peuvent quand m¨ºme mordre, m¨ºme si les protections compl¨¨tes sont r¨¦put¨¦es ne pas exister en droit (parce qu’elles ne s’appliquent qu’aux humains). Peut-¨ºtre, par exemple, les avatars et leurs h?tes seront-ils consid¨¦r¨¦s comme ayant le droit de prot¨¦ger leur image et les d¨¦tails qui s’y rapportent contre une nouvelle publication en dehors des param¨¨tres d’utilisation pr¨¦vus, en s’appuyant sur des protections rudimentaires de la vie priv¨¦e.
Il y aura toujours des d¨¦rogations gouvernementales/r¨¦glementaires. Il y a d¨¦j¨¤ eu des tensions entre les organismes de r¨¦glementation des jeux d’argent et les op¨¦rateurs, lorsque les organismes de r¨¦glementation, qui avaient peut-¨ºtre les meilleures intentions en mati¨¨re de protection des joueurs, violaient n¨¦anmoins all¨¨grement leur vie priv¨¦e en examinant leurs d¨¦penses et leurs habitudes de jeu, alors que le joueur n’avait pas demand¨¦ l’intervention des organismes de r¨¦glementation et n’en avait pas connaissance. Dans le monde des jeux d’argent, il semble donc que le joueur ne puisse jamais avoir la pleine souverainet¨¦ sur ses donn¨¦es personnelles. Il en va de m¨ºme avec l’utilisation du m¨¦tavers pour faciliter les crimes. Une surveillance, une d¨¦nonciation et une mise sur liste noire seront n¨¦cessaires, de sorte que les r¨¦gulateurs et les gouvernements finiront peut-¨ºtre par ¨ºtre les gardiens de facto du big data, les petites entreprises technologiques n’ayant qu’une connaissance sommaire de la question. Le probl¨¨me avec cette derni¨¨re solution est que nous n’avons toujours aucune id¨¦e des fuites de donn¨¦es possibles et de qui pourra coordonner/r¨¦f¨¦rencer ces donn¨¦es en dehors de tout contr?le et de toute r¨¦glementation.
Cela soul¨¨ve d’autres questions, ¨¤ savoir la responsabilit¨¦ et le contr?le. Si nous reprenons (en tout ou en partie) nos droits sur notre moi virtuel, qui devons-nous bl?mer (et ¨¤ qui pouvons-nous faire un proc¨¨s ou nous plaindre) lorsque nos droits sont n¨¦anmoins mal utilis¨¦s et viol¨¦s ou que nos identit¨¦s sont pirat¨¦es ?? Il est peu probable que les gouvernements et les r¨¦gulateurs se manifestent et que les petites entreprises technologiques nient toute propri¨¦t¨¦ et donc toute responsabilit¨¦. Les crimes et d¨¦lits peuvent toujours avoir lieu dans le m¨¦tavers o¨´ les abuseurs et les trolls peuvent diffamer, harceler et abuser d’une mani¨¨re plus terrifiante. Si l’utilisation des m¨¦dias sociaux explose en partie parce qu’elle permet ¨¤ quiconque de faire entendre sa voix par des millions de personnes, elle est ¨¦galement ¨¤ l’origine de son d¨¦faut fondamental : les gens sont encourag¨¦s par l’anonymat et la port¨¦e de la plateforme ¨¤ devenir des versions plus m¨¦chantes d’eux-m¨ºmes. Il semble ¨¦galement que l’on encourage les gens ¨¤ faire l’impensable – les joueurs sont pr¨¦par¨¦s ¨¤ normaliser la violence dans le cadre des jeux, ¨¤ piller, ¨¤ d¨¦truire, etc. et il y a d¨¦j¨¤ des histoires inqui¨¦tantes d’un enfant avatar viol¨¦ collectivement dans le m¨¦tavers. Il est probable que les gouvernements ne voudront donner la priorit¨¦ qu’aux crimes les plus graves, ce qui pourrait laisser un vide inqui¨¦tant o¨´ les abus des m¨¦tavers pourraient ne pas ¨ºtre contr?l¨¦s.
Il est certain que l’utilisation de la technologie peut ¨ºtre soumise aux conditions g¨¦n¨¦rales du fabricant ou du conc¨¦dant de licence, de la m¨ºme mani¨¨re que les jeux ont des r¨¨gles de jeu ainsi que des comportements attendus et des r¨¨gles d’engagement, mais le maintien de l’ordre devient probl¨¦matique, en particulier lorsqu’il y a des interactions non lin¨¦aires comme le d¨¦bat et le discours plut?t qu’une activit¨¦ fixe et un d¨¦but et une fin de jeu, avec un fournisseur qui peut intervenir/surveiller si n¨¦cessaire.
La technologie aborde d¨¦j¨¤ les questions d’identit¨¦ pour garantir que l’utilisateur final derri¨¨re l’avatar est v¨¦rifi¨¦ – le concept d’identit¨¦s auto-souveraines – en utilisant une combinaison de donn¨¦es de v¨¦rification du monde r¨¦el et de donn¨¦es biom¨¦triques r¨¦centes, mais il faut encore d¨¦finir les param¨¨tres juridiques de la responsabilit¨¦ et de l’utilisation (y aura-t-il une limite d’?ge par exemple ?). Certains ont sugg¨¦r¨¦ un processus d’enregistrement pour tous les avatars (qui pourrait inclure l’enregistrement de l’image pour ceux qui ont le courage de rompre avec l’anonymat). Toutefois, pour ceux qui choisissent de divorcer de leur image r¨¦elle, cela ne dissuadera pas n¨¦cessairement les mauvais comportements, ¨¤ moins que l’on puisse poursuivre et condamner ¨¤ une amende le cr¨¦ateur et l’h?te de l’avatar. D’autres ont sugg¨¦r¨¦ de rendre l’assurance obligatoire, mais cela risque toujours d’¨ºtre controvers¨¦, car le plus grand nombre ne voudra pas payer pour les fautes de quelques-uns.
Ce qui sera ¨¦galement fascinant, c’est de voir comment les jeux d’argent peuvent ¨ºtre attrayants dans le m¨¦tavers. Actuellement, il existe des d¨¦fis commerciaux qui n’existent pas en ligne (par exemple, exiger des joueurs qu’ils ach¨¨tent des casques) et les joueurs en ligne endurcis peuvent ne pas vouloir reproduire un environnement de briques et de mortier, ou m¨ºme trouver cela attrayant. De plus, ceux qui pr¨¦f¨¨rent ce dernier type d’environnement ne sont peut-¨ºtre pas en ?ge d’adopter le m¨¦tavers. Par ailleurs, si les r¨¦gulateurs ont du mal ¨¤ s’occuper des crypto-monnaies et des jeux d’argent, imaginez les probl¨¨mes que les jetons (fongibles ou non) vont provoquer, compte tenu de leur diversit¨¦ d’utilisation et de valeur – nous ne parlons pas seulement de troph¨¦es de jeu, mais de toute une s¨¦rie de propositions de valeur qui trouvent leur origine dans les ICO, la cr¨¦ativit¨¦ et m¨ºme les notes de “cr¨¦dit” personnelles pour les “bonnes” interactions ou les “bons” comportements.
Cependant, ce qui est clair, c’est que le m¨¦tavers n’est pas l’avenir de la voiture volante, mais une r¨¦alit¨¦ et une r¨¦alit¨¦ imminente.? Les gouvernements et les organismes de r¨¦glementation ne peuvent pas se permettre de ne r¨¦glementer qu’apr¨¨s l’adoption g¨¦n¨¦ralis¨¦e de la technologie, et il est ¨¦vident qu’il faut proc¨¦der ¨¤ une normalisation internationale avant que les probl¨¨mes entre juridictions ne deviennent insurmontables. Enfin, certains secteurs adoptent-ils la technologie simplement parce qu’elle existe, ou attendent-ils que la proposition de valeur r¨¦elle et l’int¨¦r¨ºt se manifestent ? Dans le secteur des jeux d’argent, le r¨¦sultat le plus probable est que les grandes entreprises se tourneront vers les petites entreprises technologiques financ¨¦es par des fonds de capital-risque pour construire les produits, et qu’elles interviendront ensuite pour acheter ¨¤ un moment donn¨¦ dans le cycle de pr¨¦-revenu/de rentabilit¨¦.